Marie-Ange Adousso : Portrait d'une architecte passionnée

Dans le cadre du Mois de l'Histoire des Noirs, j'ai eu l'opportunité de rencontrer Marie-Ange Adousso, une architecte passionnée et fondatrice de MA architecte Inc. Originaire du Bénin, Marie-Ange partage avec moi son parcours inspirant, les défis rencontrés en raison de son identité noire, et son engagement envers une société plus inclusive.

Plongeant dans son histoire personnelle, Marie-Ange partage l'impact de ses racines béninoises et de son éducation familiale. Issue d'une famille traditionnelle, elle reconnaît le soutien inconditionnel de ses parents. Son père, avocat à la retraite, lui a enseigné les vertus de l'entrepreneuriat en dirigeant sa propre entreprise, une source d'inspiration constante. « C'est vraiment ma maman qui m'a motivé à poursuivre mon rêve de devenir architecte », confie-t-elle avec gratitude, soulignant le rôle crucial de ses parents dans son parcours.

Cette rencontre entre passion artistique et héritage familial a façonné Marie-Ange Adousso en tant qu'architecte et entrepreneure, marquant le début d'un voyage de détermination et de succès.


Le chemin vers la réalisation d'un rêve :

Depuis son enfance, Marie-Ange Adousso avait une passion profonde pour le dessin. « Depuis toute petite, j'ai toujours voulu être architecte », confie-t-elle, évoquant son amour pour les paysages, l'aquarelle et les croquis de maisons qui nourrissaient son imagination. À l'âge de 18 ans, elle saisit l'opportunité d'étudier l'architecture à l'école de Strasbourg, en France, où elle obtient sa licence. Sa quête de connaissances la mène ensuite à Paris pour sa maîtrise, puis à Montréal pour un échange universitaire. Ce périple l'inspire, ouvrant les portes d'une exploration architecturale qu'elle n'avait jamais imaginée auparavant. 

L'impact de son identité noire sur sa carrière:

J'ai pu interroger Marie- Ange sur l'influence de son identité noire dans sa vie et sa carrière, elle partage son expérience avec sincérité. « Niveau architecture, il n’y a pas beaucoup de femmes noires, honnêtement », souligne-t-elle, évoquant le contexte de sa formation à Strasbourg où elle était l'une des rares étudiantes noires. « Je me ne souviens plus le nombre d'étudiants qui avaient, mais on était 2 », précise-t-elle, mettant en lumière la sous-représentation des minorités dans le domaine de l'architecture.

Cette réalité, bien qu'elle ne l'ait pas découragé, l'a amenée à prendre conscience de la faible diversité au sein de sa discipline. « Est-ce que ça va m'a démotivé ? Absolument pas », affirme-t-elle avec détermination. Cependant, c'est à Montréal qu'elle a réellement expérimenté la richesse de la diversité culturelle, notamment à l'université, bien que celle-ci demeurait minoritaire dans le domaine de l'architecture.

Dans sa carrière professionnelle, cette tendance persiste, constate-t-elle. « Dans les bureaux d'architectes et dans les bureaux d'urbanisme ou d’ingénierie, tu n’avais pas vraiment beaucoup de personnes qui étaient issues de la diversité », observe-t-elle. Malgré cette réalité, Marie-Ange refuse que cela altère sa perception ou son engagement professionnel. « Ça n'a pas changé ma perception », affirme-t-elle, soulignant néanmoins le manque de diversité à toutes les échelles de son secteur d'activité.

Pourtant, son identité culturelle a trouvé une expression significative dans son travail, notamment lors d'un projet à Montréal qui est le quartier des spectacles sur la rue Sainte-Catherine. « Mon but c'était de créer une salle de spectacles qui, au niveau de l’architecture, reflète le multiculturalisme », explique-t-elle. S'inspirant de ses racines béninoises et de son identité de femme noire, elle intègre des éléments artistiques distinctifs dans son projet, révélant ainsi la profondeur de son héritage culturel.

À travers ses réalisations, Marie-Ange puise dans son identité pour créer des espaces architecturaux vibrants et uniques. « Souvent, je vais le faire en utilisant les formes dynamiques », partage-t-elle, mettant en lumière sa volonté de faire ressortir la couleur et la texture dans un milieu souvent dominé par la monotonie. C'est ainsi que son identité culturelle se fond harmonieusement dans sa pratique professionnelle.

Est-ce qu'il y a des figures historiques noires ou des modèles qui vous ont inspiré ? 

" J'ai un oncle qui est architecte au Bénin puis je me souviens quand j’étais petite là je trouvais ça sympa parce qu’il allait souvent en voyage entre le Bénin et l'Europe puis même à Dubaï, etc. Je trouvais ça super intéressant donc lui ça a été un modèle au niveau entrepreneurial. C'est sûr qu'en tant qu’architecte il y a Francis Keré qui est un architecte du Burkina Faso puis d'ailleurs récemment c'est le seul architecte noir qui a obtenu le prix Pritzker. Le prix Pritzker c'est comme un prix Nobel d'architecture. C'est une belle reconnaissance au niveau mondial puis ce qu'il a fait c'est vraiment bien parce que son travail mêle l'architecture contemporaine et traditionnelle puis ça a aussi un impact social. Dans le sens où souvent il va travailler des écoles ou des bâtiments qui ont pour vocation d’aider le public. Au-delà de sa pratique et de ces beaux projets, il y a vraiment un impact social puis je trouve ça vraiment fascinant."


Inspirer et guider la prochaine génération 

Marie-Ange  découvre peu à peu l'impact qu'elle exerce sur la communauté noire au Canada, une influence qui dépasse ses attentes initiales. « En fait, je me suis rendu compte que j'avais un impact veut veut pas sans le vouloir », confie-t-elle humblement. À travers son parcours professionnel et son succès dans un domaine souvent dominé par les hommes, elle devient une source d'inspiration pour de nombreux jeunes, en particulier les femmes et les personnes issues de minorités visibles.

« La plupart du temps, comment je m'en suis rendu compte, c'est souvent que j'ai beaucoup de jeunes personnes noires qui me contactent pour avoir de l'information sur la carrière d'architecte », révèle-t-elle. Son expérience et son expertise attirent ceux qui cherchent à percer dans le monde de l'architecture, mais aussi ceux qui aspirent à l'entrepreneuriat. « J'ai certaines chambres de commerce et certaines associations qui me contactent pour faire des panels », ajoute-t-elle, soulignant ainsi son rôle actif dans le partage de son expérience et de ses conseils avec les nouvelles générations.

Marie-Ange n'a pas hésité à s'impliquer dans des programmes tels que « Interconnexion », offrant ainsi son soutien en tant que mentor à ceux qui aspirent à s'intégrer dans le domaine de l'architecture au Canada. « J'ai accompagné certaines personnes à trouver des stratégies et à comprendre un peu comment ça fonctionne ici pour pouvoir se créer sa place », explique-t-elle, mettant en évidence son engagement à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants dans son domaine d'expertise.

Bien qu'elle n'ait pas nécessairement envisagé de devenir une figure inspirante au début de sa carrière entrepreneuriale, Marie-Ange reconnaît désormais le pouvoir de son expérience et de son récit pour encourager et éclairer ceux qui suivent ses traces. « Au départ quand j’ai créé mon entreprise je n’avais pas forcément le but d’être une inspiration, mais avec le temps j'ai vu que j'étais quand même sollicitée », admet-elle, témoignant ainsi de son évolution en tant que modèle et guide pour la prochaine génération d'architectes et d'entrepreneurs.

Surmonter les obstacles liés à l'identité noire :

Marie-Ange Adousso partage ouvertement les défis auxquels elle a dû faire face en raison de son identité noire, en particulier lorsqu'il s'agit de lancer son entreprise. « Le défi numéro un là c'est financement et crédibilité », déclare-t-elle sans détour. Elle explique comment obtenir un financement initial pour son entreprise a été un véritable parcours du combattant, en grande partie en raison du scepticisme et des préjugés auxquels elle a été confrontée en tant que personne noire. « Souvent ce que le banquier va te demander c’est "c'est quoi tes projections financières. " Puis tu viens de te lancer il y a 0 là t'as rien sur ton compte pour pouvoir justifier tes revenus puis là t'as une personne en face de toi qui au départ elle ne croit pas vraiment en toi», explique-t-elle. Elle souligne également les études qui montrent que les personnes noires sont souvent marginalisées dans le domaine financier, ce qui rend le processus encore plus difficile.

Cependant, Marie-Ange n'a pas laissé ces obstacles la décourager. « J'ai dû me brouiller pour faire entrer les projets et être en mesure d'avoir une première année financière », dit-elle avec détermination. Grâce à sa persévérance et à sa ténacité, elle a réussi à prouver sa valeur et à surmonter ce défi majeur.


Réussites, personnelles et professionnelles :

Malgré les obstacles, Marie-Ange peut se targuer de nombreuses réussites personnelles et professionnelles. « J'ai déjà une belle clientèle, qui est fidèle », partage-t-elle avec fierté. Elle est souvent recommandée par ses clients satisfaits, ce qui témoigne de la qualité de son travail et de la confiance qu'elle inspire.

« Cette année, j'ai gagné un prix en design pour un restaurant à Saint-Jean », révèle-t-elle, faisant référence à l'une de ses plus grandes réalisations professionnelles. Recevoir une reconnaissance officielle pour son travail a été une expérience gratifiante et a renforcé sa détermination.

L'importance de l'éducation dans la lutte contre les préjugés:

Marie-Ange est convaincue que l'éducation et la sensibilisation sont des outils essentiels pour combattre les préjugés et promouvoir l'égalité au sein de la société. « Oui certainement, tu sais l'éducation pour moi c'est la base de tout », affirme-t-elle avec conviction.

Selon elle, l'éducation joue un rôle fondamental en permettant aux individus de comprendre qu'il n'existe pas de différences fondamentales entre les êtres humains. « On est tous des humains puis on a tous nos propres codes, mais la racine commune c'est l'humanité », souligne-t-elle. En enseignant cette valeur commune d'humanité dès le plus jeune âge, l'éducation contribue à nivelles les inégalités et à prévenir l'émergence de préjugés et de stéréotypes.

Marie-Ange met en lumière le rôle de l'ignorance dans la propagation des préjugés, soulignant que ceux qui n'ont pas bénéficié d'une éducation axée sur l'acceptation de la diversité sont plus susceptibles de juger et de discriminer autrui. Ainsi, l'éducation joue un rôle crucial en fournissant les outils nécessaires pour promouvoir la compréhension mutuelle et la tolérance au sein de la société.

Pour Marie-Ange, l'éducation est bien plus qu'un simple moyen d'acquérir des connaissances ; c'est un vecteur de transmission des valeurs universelles d'égalité et de respect. « De savoir ça, ça protège la société justement de toute dérive ou même de guerre là comme on a pu le voir dans le passé là », conclut-elle, mettant en avant le potentiel transformateur de l'éducation dans la construction d'une société plus juste et plus inclusive.

La signification du Mois de l'Histoire des Noirs

Pour Marie-Ange Adousso, le Mois de l'Histoire des Noirs revêt une importance particulière, notamment depuis qu'elle l'a découvert au Canada. Elle exprime son regret quant à son absence dans d'autres pays, comme la France, où elle estime que cette célébration pourrait jouer un rôle crucial dans le renforcement des liens sociaux. « Je trouve ça dommage, parce que c'est une opportunité de créer des ponts là où est-ce que la société a tendance parfois inconsciemment ou pas à les couper », souligne-t-elle. Pour elle, ce mois est l'occasion de rappeler la contribution des personnes noires à tous les niveaux de la société, économique, culturelle et sociale, et de mettre en lumière des personnalités souvent négligées par les médias.


L'engagement des générations futures pour un avenir inclusif

Marie-Ange encourage vivement les générations futures à s'impliquer dans toutes les sphères de la gouvernance, à toutes les échelles. Elle insiste sur l'importance de ne pas craindre de viser haut et de chercher des mentors pour les accompagner dans la réalisation de leurs rêves et projets. « De trouver des personnes qui font déjà ça et être accompagnés dans nos rêves et nos projets », affirme-t-elle. Elle souligne également l'importance de la sensibilisation et de l'engagement citoyen, encourageant chacun à s'informer sur les enjeux sociétaux et à participer activement à la vie politique. Pour elle, la politique ne se limite pas aux élections, mais concerne l'avenir de la planète et de la société dans son ensemble.

Interview réalisé par Bryen Akueson

Photographie réalisé par Mathias Renaud (ClickMtl)